Graciosa, on s’en souviendra !

Le port et la plage de Graciosa

En relisant les dernières phrases du précédent message écrit à la va-vite, je rigole bien ! « Nous allons trouver un autre mouillage, là où cela nous chantera… », oui oui bien-sûr, c’est surtout qu’on n’a pas vraiment eu le choix !
Lundi matin, notre « magnifique mouillage » s’est transformé en mouillage non-abrité voir dangereux : le vent a tourné sud-est (même avec les alizés des Canaries, on arrive à avoir du vent du sud, la météo décidemment, c’est vraiement pas ça…) et est monté en crescendo jusqu’à 45 nœuds. Notre ancre était bien crochée mais jusqu’à quand ? Et puis le roulis des vagues faisait tanguer le bateau, nous nous faisions trop remuer pour rester là. Cependant, petit problème : nous avons eu la bonne idée de mouiller juste devant les rochers et que – ceux qui nous suivent régulièrement doivent maintenant l’avoir bien compris – nous ne pouvons faire confiance en notre moteur qui ne remonte pas à plus de 30 nœuds de vent !
Analysons donc calmement la situation : le moteur pourra à peine nous aider à remonter l’ancre, il faudra ensuite partir à la voile, mais voilà, le vent dans le nez, nous avons peur de ne pas assez remonter au vent et de finir dans les rochers. Finalement, Benjamains tente de remonter l’ancre : impossible ; cela devient encore plus dangereux car si nous prenons du temps à remonter l’ancre, le risque de riper sera plus important, et celui de se retrouver dans les cailloux deviendra bien réel !!
Pendant nos questionnements, tous les voiliers autour de nous ont quitté le mouillage pour un autre en face plus abrité, nous voilà tout seul dans cette galère ! Pas tout à fait en réalité, nous communiquons par la VHF avec un ami sur un catamaran, et nous découvrons avec plaisir la solidarité du monde de la voile. Plusieurs bateaux se passent le mot, expliquent ce qu’ils nous arrivent et discutent entre eux pour trouver la solution la plus adéquate : « Avec nos voiliers, il est risqué d’aller les remorquer, et nos moteurs ne suffiront pas » ; « Si j’étais à leur place, je ne resterais pas là-bas, le plus sécurisé est qu’ils laissent leur mouillage et partent à la voile et au moteur. » Ah ça fait drôle d’entendre que l’on parle du bateau bleu aux voiles bleues qui est en galère, ça n’arrive pas qu’aux autres !
Leurs avis nous font réfléchir, et les nôtres bien-sûr (cela sert dans ce cas d’être à plusieurs), nous pensons que le plus sage est de laisser notre mouillage (en lâchant la chaine tenue à l’ancre tout en l’ayant amarrée à une bouée pour venir la rechercher ensuite), de cette façon nous ne chasserons pas et pourrons remonter rapidement au vent et sortir des cailloux. Après avoir installé la bouée au bout de la chaine, nous tentons tout de même une dernière fois de relever l’ancre et si le voilier chasse avant qu’elle soit remontée, nous lâcherons la chaîne. Nous nous y attelons à deux avec Benjamains, trouvant une bonne technique, on réussit tant bien que mal à la remonter. Instant exténuant, les vagues rentrent par l’avant, Benjamains qui doit bien se relever pour tirer l’ancre me donne l’impression qu’il va finir à l’eau mais bien accrochés, nous résistons : « 30m ! 25m !… 15m… Elle est décrochée !! (Quel plaisir de voir sortir cette ancre hors de l’eau, j’en aurais bien versée une petite larme).

La douche en pleine mer!

Pendant ce temps, la grande voile montée au préalable était prête à être bordée et un bout du génois à être sorti, Evaloa remonte en fait bien au près (il faut avoir confiance en son bateau !) et nous sort du danger. Nous naviguons une petite demi-heure sous 30-40 nœuds de vent avec de grosses rafales, déjà mouillés par le hissage d’ancre, les embruns nous achèvent, nous terminons trempé, Benjamains de la tête au pied (il a du retourner à l’avant préparer le nouveau mouillage).

Plus de peur que de mal, au final tout se termine bien, avec en plus la satisfaction d’avoir bien réagi, d’être restés sereins, même si l’idée que le voyage puisse s’arrêter brusquement ici nous était passée par la tête… Nous réalisons à quel point la vie en bateau peut nous amener à vivre des moments intenses qui passent du tout au tout : la veille nous relevions le côté idyllique de la vie en voilier, après avoir passé une journée ensoleillée à faire de la plongée, nagé avec ces magnifiques poissons de la réserve naturelle de Graciosa, et vogué de voilier en voilier pour de nouvelles rencontres, et le lendemain, changement de décor ! Mais l’un ne va pas sans l’autre, dans nos moments de détente, nous passons beaucoup de temps à discuter entre nous 4, ce qui est très utile dans les moments tel que celui-là, et partager nos expériences avec d’autres voiliers permet parfois de sortir de certaines galères, ou en tout cas de se sentir soutenu.

Cession plongée devant le bateau, notre mouillage près des cailloux paraît ici plus idyllique que dangereux !

J’espère que vos yeux ne fatiguent pas, les anecdotes ne sont pas finies !
Mardi, nous décidons de passer une journée au port de Graciosa, qui n’est pas cher du tout, avant de reprendre la mer le lendemain. A peine amarrés nous faisons la connaissance de nos nouveaux voisins, et un autre gars s’arrête en annexe discuter avec nous : « c’est quoi comme voilier ? Un aloa 34, c’est ce que je me disais, c’est le même que le mien ! ». En fait nous l’avions croisé à Essaouira mais il était parti trop vite pour que nous ayons le temps de lui parler, que le monde est petit ! Yann voulait absolument le recroiser pour lui demander des conseils sur le moteur. Ni une ni deux, nous sommes invités sur l’aloa 34 de Joël, en compagnie du capitaine André, un pêcheur que Joël a embarqué de Lanzarote jusqu’ici (André est originaire de Graciosa).

Le tout fier capitaine André !

Concentrée dans mon boulot !

Joël, capitaine de l’aloa 34

Le moteur n’est pas le même que le notre (on y arrivera jamais !) mais en revanche, ils nous proposent d’aller pêcher. Seuls les locaux ont droit de pêcher sur l’île mais vu que le capitaine André est à bord : « no problemo ! ». Nous ne sommes pas bon pêcheurs à bord d’Evaloa, mais là, nous avons fait une pêche incroyable, en quelques heures, ça n’a pas arrêté ! Je me suis mise à la canne à pêche – jamais je ne le fais car je ne suis pas très patiente – et ça mordait tout le temps, je n’ai même pas compté combien j’ai eu de poissons mais je pense une dizaine, dont deux en une prise ! Au total : 38 poissons (je crois qu’on ne devrait même pas le dire, et pourtant, le capitaine André s’en est vanté auprès de tous les habitants de Graciosa !).

Une partie du festin

Il fallait bien fêter ça : apéro sur l’aloa de Joël avant de cuisiner notre pêche, on est nombreux à bord car deux bateau-stoppeurs nous ont rejoint pour discuter de la possibilité d’embarquer avec Joël jusqu’aux Antilles. Le capitaine André veut s’occuper de tout et s’apprête à cuisiner les poissons : (en espagnol avec un fort accent) « donnez-moi de l’eau ». Personne ne se demande pourquoi il veut de l’eau, on cherche une bouteille en vain puis on la lui fait passer. Pendant ce temps, André faisait chauffer de l’huile dans une poêle et il n’a rien trouvé de mieux que de mettre de l’eau dedans ! Je pense que tout un chacun connaît la réaction chimique que ce geste induit : une énorme flamme sort de la poêle, le temps que Joël tente de l’étouffer avec un pull (très bon réflexe !), la flamme s’est étendue sur le plafond de la cuisine, qui est… en plastique ! Scénario catastrophe, les souvenirs du feu dans la cuisine du bateau me reviennent (cf message du 13 août au tout début du journal de bord intitulé : comment se servir d’un extincteur ?), me trouvant de l’autre côté de la cuisine, je crie à Yann : « vas fermer le gaz ! » (l’histoire veut que, incroyable mais vrai, une odeur de gaz dans le bateau a amené Yann une demi-heure avant à vérifier l’arrivée de gaz). Yann va l’éteindre, d’autres sortent du bateau – une fumée bien toxique imprégnant toute la pièce – pendant que Joël tente de faire marcher l’extincteur (j’aurais dû lui faire un cours !). Quelqu’un d’autre crie : « Il faut jeter de l’eau » (oui maintenant que le gaz est éteint) et Benjamains se jette sur la marmite posée dehors, la seule chose qui ressemble à un seau dans le cockpit, et le feu finit par s’éteindre. Le pauvre Joël – sa cuisine est noire et fondue – et ne parlons pas de l’état du capitaine André qui ne se remet pas de ce qu’il a fait, lui qui était tout fier de ses poissons ! Il passera la soirée à rabâcher que ce n’est pas possible, qu’il fait ça chez lui sans soucis, et qu’il devait y avoir de l’essence dans la bouteille d’eau (c’est ce qu’arrive à traduire Maina de son accent espagnol à couper au couteau) ! Nous finissons la cuisson des poissons dans l’autre aloa 34, le notre, et la soirée se termine en musique, avec un tas de choses à se raconter, et des émotions à partager !

Café sur la plage

Je ne sais pas si on les cherche ou si c’est le voyage en voilier qui amène à vivre tout cela, mais en ce moment, l’équipage « Aux cinéphiles de l’eau » vit des sensations fortes !
Toutes ces péripéties nous ont amené à passer une semaine à Graciosa (ce qui ne nous a pas déplu, cette île est toute petite, très tranquille à l’abri des touristes) nous partons demain pour la baie de Rubicon entre Lanzarote et Fuerteventura, et là, je vais m’abstenir d’en dire plus car je n’ai aucune idée de ce qu’il va nous attendre là-bas, Inc’h Allah !

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