Le manque de temps ne nous ayant pas permis de faire une projection à Lisbonne comme prévu, nous sommes arrivés au Maroc avec la ferme intention d’en organiser une. Nous en avons discuté tout d’abord avec le gars du port, Ahmed, puis avec notre fidèle ami Messoud, qui était très enthousiaste à l’idée et voulait tout faire pour nous aider.
1ere  partie : A la recherche d’un film marocain…
Dans ma tête, avant toute chose,  il fallait trouver un bon film à  projeter. Et pour rester dans le projet, un  film marocain, peu visionné  ici si possible. J’ai tout d’abord pensé à Ali Zaoua,  le prince de la  rue, mais en discutant, les marocains me disaient l’avoir déjà  tous  vus, le film est déjà passé à la télé… Alors me voilà partie à la   recherche d’un film pour une éventuelle séance à Mohammedia. J’ai pensé  projeter  l’Esquive, sur l’histoire de jeunes en banlieue parisienne, un  film que j’adore.  Je pensais qu’il serait intéressant de le passer ici  pour montrer la vie de  jeunes en France issus de l’immigration.  Seulement, on nous a appris que la  censure était toujours bien  d’actualité au Maroc, et un film qui sort des gros  mots toutes les deux  minutes, ce n’est pas évident à projeter…
J’ai de nouveau changé d’avis et  mon choix s’est porté sur Tenja, un  jeune français d’origine marocaine qui part  dans son village natal  enterrer son père. Le seul souci, c’est que je n’ai pas  de copie du  film. Je demande conseil à Messoud, qui est persuadé qu’on va le   trouver chez les vendeurs de DVD… piratés ! On ne trouve aucun magasin  de  DVD neuf au Maroc, il n’existe que des stands de CD et DVD gravés,  qui ne  coûtent même pas un euro, c’est hallucinant. Je suis moins  enthousiaste que Messoud  car les seuls films que l’on trouve dans ce  genre de boutiques, ce sont les  films connus ou les grosses dobes. On  fait tous les stands de Mohammedia, rien.  On décide alors de partir sur  Casablanca, au grand souk où l’on est censé tout  trouver. Heureusement  que Messoud est là pour gérer l’euphorie, tous les  vendeurs autour de  nous, à essayer de nous vendre tout et n’importe quoi sauf…  Tenja.  Impossible de trouver le film, il n’est pas sorti au Maroc. Messoud nous   avouera par la suite qu’en donnant 100 euros, le vendeur allait nous  le  trouver, quel business…
Nous revenons bredouille de notre  journée « Tenja » mais Maina et moi  en garderont un bon souvenir. Au  final, la boucle est bouclée, sans  trop de solutions je reviens sur mon choix  initial : Ali Zaoua.
2ème  partie : L’administration marocaine
Parallèlement à la recherche de  film, j’entreprends les démarches  pour demander l’autorisation pour une séance  de cinéma. Je pars  confiante pour la Préfecture et rencontre tout d’abord un  monsieur très  sympathique, un fonctionnaire du service culturel. Le projet l’emballe,   on prend un thé et il m’explique les démarches à suivre : il va me  prendre  un rendez-vous avec Monsieur le Gouverneur de la préfecture de  Mohammedia pour  le lendemain matin, il me faut absolument son accord  pour faire la séance. Je  repars du service plein d’enthousiasme,  l’homme m’a dit de rester moi-même, et  tout ira bien ! Je vais au  magasin de Messoud raconter mes péripéties, il  m’invite chez lui  rencontrer sa mère d’origine berbère. Tout le monde habite  dans la même  maison, chacun a un étage différent, je rencontre également son  frère,  sa femme et leur petite. La femme m’offre des boucles d’oreilles en   guise de bienvenue, on prend des photos… Ils font preuve d’une  générosité qui m’impressionne  et me remplie de bonheur. Je rentre au  bateau avec pleins de choses à raconter  aux amis, quelle superbe  journée !
La suivante sera un peu moins agréable,  les choses se compliquant un  peu… Je retourne à la préfecture où le gouverneur  ne m’attend pas comme  prévu. L’homme de la veille n’est pas là, et je vais de  bureau en  bureau expliquer le projet. Finalement, j’arrive au bureau du  directeur  du cabinet de Monsieur le Gouverneur qui me demande de rédiger une   demande écrite avec la copie du film. C’est ce jour là que j’irais avec  Messoud  et Maina à la recherche de Tenja. Je dépose finalement la  lettre le lendemain  matin (on est déjà jeudi, c’est sûrement dur à  suivre là, vous n’avez pas perdu  le fil de l’histoire j’espère ?) avec  une copie d’Ali Zaoua. J’aurais la  réponse vendredi, la veille de la  projection, on est toujours un peu à l’arrache  au niveau timing !
A la préfecture, ils m’ont dit qu’ils  appelleraient le port pour  donner leur réponse, j’en parle à Ahmed, le maître  de port, qui me  décourage un peu : « c’est comme la semaine des 4  jeudis, je serais  toi, j’irais moi-même là-bas… »
On est donc vendredi après-midi, et  avant de me rendre à la  préfecture, je vais voir la police à l’entrée du port  pour demander des  nouvelles. La personne appelle à la préfecture et me dit qu’ils  sont  au courant, que je dois m’y rendre, et qu’il n’y aura pas de problèmes   pour la projection. Je suis hyper contente, je vais chercher Yann pour  qu’on  aille ensemble faire les dernières démarches. De nouveau, à la  préfecture, on  passe de bureaux en bureaux et de personne en personne  puis le premier  adjoint du gouverneur nous demande d’attendre devant un  bureau. Il nous fait  entrer au bout de quelques minutes et là, grosse  surprise : quatre hommes  autour d’une grande table nous attendent et  nous demandent de nous assoir en  face d’eux. Je me croirais à un  examen ! Ils ne nous mettent pas du tout à  l’aise, nous demande de nous  présenter et puis, c’est parti pour le ramassis de  conneries : « On ne  comprend pas votre projet, pourquoi vouloir  projeter un film  marocain…, avez-vous un contrat écrit du producteur, votre  demande  arrive bien tard… ». Il y a même pire : « Au Sénégal  encore, peut-être  cela aura-t-il un sens, mais au Maroc. Avez-vous été à  Casablanca ? On a  un immense multiplexe avec plus de 800 places… » Ah  oui, c’est pour  cela qu’il n’y a aucun intérêt à faire une séance gratuite à   Mohammedia, à 30 km de Casa ?? Je suis trop dégoutée, j’ai envie de  quitter  la pièce sans leur dire au revoir. Heureusement que Yann est là  pour tempérer  les choses, car sinon, comme il me le dit en sortant :  « je t’aurais  retrouvé en prison car tu les aurais insulté ! ». La  discussion se  finit de façon classique : « Si vous revenez à  Mohammedia, on pourra  faire quelque chose mais là, c’est trop  précipité. »
Je prends ma claque, deux jours  que je suis à fond pour organiser la  séance et au final on se fait envoyer bouler.  J’ai un peu la haine au  niveau du fond, vive les politiques, quel bande d’hypocrites !  C’est à  cause de ces gens-là qu’on ne peut rien faire, malgré notre bonne   volonté. On fait ce projet pour donner aux gens et on se le voit  reprocher, c’est  un peu le monde à l’envers.
Bon, il faut relativiser, cela  nous fait une bonne expérience et  maintenant on connaît mieux les démarches à  suivre au Maroc, il faut  que l’on passe par une association locale, qu’elle entreprenne   elle-même la demande d’autorisation…
Pour nous remettre de cette  mauvaise nouvelle, on part avec Messoud à  la plage, à Sablette, chez des amis à  lui. Ce sont des marocains qui  ont montés une association de surf, des gens  super intéressants, encore  une magnifique rencontre. C’est fou comme l’on aura  réussi à  s’intégrer rapidement ici, rien que pour cela on ne peut pas regretter   d’être restés une semaine. Au départ c’était pour la projection et au  final, on  n’a pas fait de séance mais on aura vécu des moments  magiques. On se fait  vraiment une autre image du Maroc. Ça fait trop  plaisir de rencontrer des  marocains qui se plaisent chez eux et qui  pour rien au monde n’iraient vivre en  France. Ils veulent rester dans  leur pays pour construire des choses, avec leur  propre moyen, sans rien   demander à personne.
J’arrête ici mon roman, je  pourrais encore écrire tant de choses sur  notre vie en ce moment, mais plutôt  que de rester devant mon ordi, il  faut que je vive justement.
Alors à bientôt pour la suite,
Et au passage, je peux vous dire  qu’aujourd’hui il fait que de  pleuvoir ! Alors l’histoire veut que si on  avait eu l’autorisation pour  la séance, nous aurions été encore plus déçus car  nous n’aurions pu la  faire à cause du temps !!
 
								
